Dans le cadre du cycle 2017-2018 du CEIR « L’environnement méditerranéen : Confrontations internes », Hassan Abdelhamid présentera une communication intitulée
« Le conflit des références en Égypte moderne et les solutions jurisprudentielles ».
Jeudi 15 février 2018 à 14h30, Amphi Esmein
L’Egypte a vécu successivement sous l’empire du droit endogène – c’est-à-dire le droit pharaonique ou le droit égyptien ancien – avant de recevoir le droit grec avec la conquête d’Alexandre le Grand au Ive siècle av. J.-C., puis le droit romain, le droit byzantin, le droit musulman au VIIe siècle et le droit français à partir du XVIIIe siècle. Ce contact dynamique entre divers systèmes juridiques a engendré des influences réciproques et des synthèses culturelles éminemment enrichissantes qui fondèrent l’historicité de l’Égypte tout en favorisant la coexistence de plusieurs droits, autrement dit une situation de pluralisme Juridique.
En effet, si ce pluralisme culturel et juridique s’est accompagné de la construction d’un État unifié, cela n’a pas pour autant conduit à une unification des droits concernés dans la culture juridique et institutionnelle égyptienne, mais a une dynamique d’accumulation, de cohabitation et d’intégration.
C’est le phénomène dit « d’égyptianisation » dans lequel les juges ont joué un rôle déterminant par le biais de leur jurisprudence.
Si les juges sont des acteurs clefs du processus d’articulation entre les systèmes juridiques en présence en Égypte – dans le sens d’une unification dans la diversité –, c’est que leur jurisprudence a favorisé un double mouvement.
D’une part, elle a permis la réinterprétation des traits et des valeurs de la culture nouvelle dans les termes de la culture d’origine.
D’autre part, le processus de réinterprétation se renversant, les valeurs de la culture d’origine ont été réélaborées en fonction des valeurs de la culture nouvelle.
Aujourd’hui, le pays se caractérise par la coexistence, voire la confrontation, du droit officiel – renvoyant à la culture juridique moderne, essentiellement française – et du droit coutumier – lequel s’est consolidé par le biais de la jurisprudence élaborée par les tribunaux nationaux, mis en place en 1883. Au sein de cette seconde catégorie, et dans leur articulation officiellement subordonnée au droit officiel, les droits religieux, dont le droit musulman, constituent l’enjeu actuel le plus important.
Dans cette dialectique entre droit officiel et droit musulman, les juges – fidèles en cela à la logique d’ « égyptianisation du droit » – travaillent à garantir l’articulation entre normativité moderne et normativité religieuse ; et cela dans les deux sens de la réinterprétation évoquée.