Avis de présentation de thèse en soutenance pour l’obtention du diplôme national de Docteur de Monsieur Anthony CRESTINI
Spécialité : Droit
Depuis que Jules Michelet a inventé la Renaissance, les historiens lui ont donné des
formes et un sens précis : elle s’étend du XVe au XVIe siècle et fait resurgir l’Antiquité pour donner un élan au monde moderne ; les hommes d’avant la Renaissance sont parfois considérés comme étant plongés in tenebris dans un « âge moyen », privés d’Antiquité, de liberté : ils sont les nains dont parle Bernard de Chartres, mais, les pieds encore dans la fange, il leur faut attendre la Renaissance pour pouvoir se jucher tout à fait sur les épaules de géants.
Est-ce si sûr ? Tout d’abord, la Renaissance est-elle cet ensemble harmonique si souvent présenté ? Avec le souci d’une convergence entre art et droit dans l’analyse, nous avons étudié la formation des cités de la péninsule du XIIe au XVIe siècle, leurs institutions, leurs lois, leurs moeurs, et l’aspect visuel que décrivent l’urbanisme et les arts figuratifs. Les sources juridiques et diplomatiques (statuts des cités, registres des magistratures, correspondance des hommes de pouvoir) nous apprennent qu’il existe en fait plusieurs « Renaissances », car s’il est évidemment vrai que les cités de la péninsule utilisent le réalisme juridique des Anciens et le droit romain, elles n’en créent et développent pas moins, sur ces bases, des modèles bien différents. Deux de ces derniers nous semblent pertinents : le premier, nommé res publica florentine par Leonardo Bruni, confie le pouvoir aux citoyens de la res et développe un humanisme civique centré sur la figure de Cicéron ; le second, que
nous avons nommé res imperii, s’enracine à Mantoue, où il attribue le pouvoir au prince et développe un humanisme de cour. Dans les arts, l’urbanisme de ces deux types de cités, leurs peintures, sculptures, et architectures diffèrent en tout point, et surtout ils permettent d’associer la forme juridique et la forme artistique, à la Renaissance où le pouvoir de l’image se met au service de l’image du pouvoir.
C’est pourquoi, à partir des théories d’Erwin Panofsky sur l’iconologie, nous avons
développé une méthode d’analyse juridique des oeuvres d’art figuratives à la Renaissance, que nous appelons l’« iconologie juridique », afin de déterminer deux formes dominantes de représentation du pouvoir : la géométrie, marque d’un pouvoir de res publica, et le mythe, marque d’un pouvoir de res imperii.
Enfin, dans une perspective d’histoire européenne des institutions, nos modèles liant
art et droit permettent d’ouvrir d’autres horizons, de nouvelles interrogations quant à
l’apport des autres entités politiques de l’époque : qu’aurait été la Renaissance italienne sans le réalisme des Flandres exprimé à travers la peinture à l’huile ? Et sans le développement de la souveraineté en France faisant du roi un « empereur en son royaume » ?
Quelles sont les traces de l’Europe médiévale (et de l’Orient ?) dans cette construction juridique nouvelle ?
M. Jacques BOUINEAU, professeur d’histoire du droit, La Rochelle Université
M. Paolo ALVAZZI DEL FRATE, prof. ordinario di Storia del diritto medievale e moderno – Università degli Studi di Roma Tre
M. Éric GASPARINI, professeur d’histoire du droit, Aix-Marseille Université
Mme Maria Gigliola DI RENZO VILLATA, già prof. ordinario di Storia del diritto medievale e moderno – Università degli Studi di Milano – Dr. H.c. Paris II
M. Boris BERNABÉ, professeur d’histoire du droit, doyen de la faculté Jean Monnet, Université Paris-Sud, Paris-Saclay
M. Giovanni ROSSI, prof. ordinario di Storia del diritto medievale e moderno – Università degli Studi di Verona
M. Johannes Michael RAINER, professeur de droit romain, Université de Salzbourg
Le lundi 30 août 2021 à 14h
Faculté de Droit – Amphi ESMEIN (Amphi 120) selon les règles sanitaires en vigueur.